©Photo: Salma , ©Design: Boshra Jallali

« l’Urgence d’Agir  »

Salma El Masri, He / She : Militant.e

par Haithem Haouel

Quand le vécu personnel et les convictions s’entremêlent, un travail militant se met en place et des luttes finissent par se structurer. Salma El Masri vit au Caire. Elle est directrice exécutive de l’Organisation Bedayaa, qui œuvre à défendre les droits des personnes LGBTQI+. Ces dernières années, en équipe, elle effectue un travail de sensibilisation minutieux auprès des jeunes Queer et de leur usage des drogues. Un travail qui s’avère fructueux, élaboré d’une manière immersive, toujours sur terrain et… dénué de préjugés.

Derrière chaque cause se cache une existence, des connexions, parfois un concours insolite de circonstances. Souvent un contexte peut être générateur de changements momentanés ou durables. Salma El Masri l’atteste : son parcours atypique entamé tôt est à caractère communautaire. Un devenir inévitable. Elle se remémore : « Je me suis consacrée au travail militant assez tôt en travaillant pour le SOGI Issues (Sexual Orientation and Gender Identity Issues). En 2010, un Networking commençait à se former, à naître. Je le sentais, nous le sentions. Au tout début, nous étions quatre personnes. Un noyau engagé et solidaire qui rencontrait d’autres autour de causes humaines. Les contacts se créaient au fur à mesure. Il y’avait par exemple, Ceu.lles prônant les droits humains, notamment, les droits relatifs à la femme et aux enfants. Il.lles s’organisaient en collectifs, associations ou organismes. Féministes et personnes Queer / LGBTQI++ s’affirmaient également et devenaient visibles. Le tout dans un contexte social et politique effervescent en Egypte ». Salma décide d’agir notamment en réconciliant deux groupes Lesbiens et gays.    

L’union, pilier d’une lutte

Sensibilités, discordes ou désaccords pouvaient surgir. Point d’engagements ou de lutte dans un contexte relationnel délétère. Salma se souvient s’être consacrée pendant une période à apaiser certaines tensions au sein même de la communauté Queer, notamment en rapprochant des ami.es Lesbiennes et Gays. « Je proposais des activités, des programmes culturels, des sorties diverses, des jeux en groupes, des évasions ». Cite – elle. 

Une vie communautaire truffée d’activités émergeait. Elle rapprochait les personnes Queer et permettait ainsi aux collectifs, aux associations et aux organismes de voir le jour. Un tissu associatif solide existe désormais sur le grand Caire, et bientôt, les activités et les actions allaient se décentraliser dans toute l’Egypte. Une époque finalement fructueuse, qui a façonné le devenir de nombreuses actions de sensibilisation, et l’existence désormais affirmée de Bedayaa. Cependant, en 2017 / 2018, un fléau commençait à se faire sentir… celui de la propagation des substances Hallucinogènes et des drogues diverses, spécifiquement au sein de la communauté LGBTQI+ / Queer. Des artifices qui riment avec pertes de contrôle, problèmes de santé, et accidents souvent fatales.  

Faire face aux artifices

Festivités et musique (spécialement techno) attirent, comme partout dans le monde, les usagers de drogues spécialement synthétiques. L’Ecstasy, la MDMA ou la GHB, font fureur. Des cas de personnes droguées à leur insu ou abusées sont signalés. « Quelques pilules sont discrètement jetées dans des verres et c’est la catastrophe ! ». S’alarme Salma en soulignant la diversification remarquable des types de drogues et les effets qu’elles provoquent. Des artifices qui existent fréquemment quand il y’a musique électro (ou autres) et festoiement. 

Les prises se font en groupe ou individuellement, souvent dans l’inconscience totale et une ignorance des conséquences. Overdoses et décès s’enchainent, les cas d’addiction explosent. La santé de nombreux jeunes est menacée. Des jeunes livrés à eux.Elles-mêmes, ayant peur d’aller se faire soigner, de consulter ou de le signaler à des médecins de peur d’être stigmatisés. Sans oublier, les fouilles arbitraires des autorités, qui pour des « présumées » raisons de sécurité le font, et mettent la main sur des substances illicites trouvées chez des consommateur.trices. Des cas de figure qui se retrouvent embourbés dans des tracas carcéraux et juridiques. Ajoutant à cette situation inquiétante l’absence d’encadrement, de prises en charge, d’infrastructures médicales nécessaires, de campagnes de sensibilisation ou de centres de désintoxication. Des milliers de jeunes consommateur.ices de substances psychoactives de la communauté Queer en Egypte se retrouvent entrainer dans un enfer addictif, vécu sous silence. Le caractère tabou de la situation reste écrasant. 

Efficaces sur terrain

« Au nom de Bedayaa et face à l’urgence de la situation, nous nous sommes mobilisé.es dans le but de sensibiliser les consommateur.ices de drogues et ce, en agissant sur terrain ». Explique Salma tout en épinglant les manières classiques existantes déjà, comme faire appel à des personnalités connues ou influenceurs ou en procédant à des campagnes ordinaires mais finalement peu pertinentes, souvent porteuses de messages clichétiques. La société civiles, en Egypte, usent parfois de moyens ordinaires pour sensibiliser, en usant de discours qui perpétuent les clichés et nuisent à des franges sociales fragiles via les médias et les réseaux sociaux.

 Et par « Agir sur terrain », c’est se rapprocher des organisateurs.trices d’évènements, souvent, de techno ou de « Rave » et d’assister les fêtard.es sur place. Une manière efficace d’être aux aguets et attentif aux usagers des substances. Conseils, stands ou points d’informations font leur apparition, attirent et favorisent à contourner le danger de ces drogues et de leurs effets, évitant ainsi les overdoses ou autres malaises graves. « Notre cible reste la communauté Queer mais comme nos actions sont également visibles en ligne, beaucoup se sont sentis concernés ». Précise Salma el Masri. Actuellement psychologues, psychiatres, addictologues ou avocats sont mobilisés également. Un abécédaire ou des guides de sensibilisation sont désormais disponibles. Ce travail d’équipe charnu a favorisé à diminuer les stigmates que cette population cible peut endurer.  

« La communauté Queer est exposée à l’usage des drogues afin de stimuler les sens, de se sentir bien pendant un lapse de temps. De garantir une évasion plaisante mais sans doute éphémère. Des consommateu.trices en prennent occasionnellement. Les personnes Queer étant les plus tentées par le milieu de la nuit et de la fête». S’exprime Salma en soulignant que la plupart des gens vivent déjà inconsciemment avec des addictions autres comme celles au café, à la clope et que l’humain est indiscutablement toujours tiraillés entre modération et excès. « Et c’est justement les excès dans tout qu’il faut éviter. C’est sur la base de la fréquence des prises et l’accès à l’information qu’il est possible de mener ce travail militant ». Affirme Salma.

Un recensement en chiffre se fait toujours par Bedayaa. Toute la communauté Queer n’est pas totalement concernée. Il s’agit de nombreux cas de consommateur.ices qui sont ciblé.es. Un chiffre revu sans cesse à la hausse.  Quelques centres de réhabilitation parviennent a attiré quelques cas mais pas assez ou pas suffisamment. Des soins futiles sont procurés… souvent en vain, car les patient.es finissent par partir et revenir… Et c’est un cercle vicieux qui s’installe chez les dépendant.es. Les actions de l’organisme Bedayaa parviennent à anticiper quelques dérives ou situations graves. « Car s’il y’a obstination à consommer autant le faire d’une manière Safe ». Souligne Salma El Masri.  

Le but de Bedayaa est d’étendre ce projet au niveau régional, notamment en contactant « Mawjoudin- We Exist » ou d’autres organisations existantes dans les pays voisins. « Ce travail nécessaire ne se fait pas assez dans le monde arabe et nous devons agir au de-là des frontières, en établissant un plan structuré». Conclu Salma en se basant sur les interactions avec les gens, dans le virtuel ou dans la réalité. Une communauté Queer régionale est dans le besoin. Une assistance est nécessaire à mettre en place en dépit des difficultés liées aux contextes socio – politiques ou sécuritaires dans plusieurs pays de la région MENA. 

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